Bulletin de la Banque de France

Compétitivité prix et hors-prix : Leçons des chaînes de valeur mondiales

Mise en ligne le 15 Juillet 2019
Auteurs : Rafaël Cezar, Fanny Cartellier

Bulletin n°224, article 2. Le rôle des prix et des autres facteurs dits hors-prix, tels que la qualité ou l’image de marque, sont communément mis en avant dans l’analyse de la compétitivité à l’exportation. L’internationalisation croissante de la production au sein des chaînes de valeur mondiales renforce toutefois la dépendance du prix des exportations à l’évolution des prix des importations intermédiaires utilisés dans leur production. En tenant compte de ce phénomène, ce bulletin montre que les secteurs non résidents sont déterminants dans l’évolution des coûts des exportations, expliquant par exemple environ trois quarts de leur croissance en France. Ainsi, dans l’évolution de la compétitivité, les facteurs nationaux peuvent peser comparativement moins que ceux externes, qui sont pourtant subis. Dans ce contexte, la compétitivité prix se révèle déterminante pour les États-Unis tandis que celle hors-prix l’est davantage pour la Chine ou l’Espagne. Enfin, les deux effets, prix et hors-prix, se compensent pour la France ou le Royaume-Uni.

Image Compétitivité prix et hors-prix : décomposition de la variation des exportations réelles de biens et services, en cumulé depuis 2000, en France Description Le graphique propose une observation de la compétitivité prix et hors-prix : décomposition de la variation des exportations réelles de biens et services, en cumulé depuis 2000, en France, avec 4 critères : - demande adressée et conjoncture - compétitivité prix - compétitivité hors-prix - Exportations en volume Source : Projet WIOD (tableaux internationaux des entrées et sorties et Socio Economic Accounts), calculs Banque de France Chiffres clés : -1,9% et +2,2% : les contributions respectives des facteurs prix et hors-prix aux exportations de la France entre 2000 et 2014 +35% : la contribution de la demande adressée à l'évolution des exportations françaises sur cette période +16% la contribution des secteurs étrangers à la hausse des coûts du travail en France et +5% pour les secteurs domestiques

Un des aspects de la compétitivité des pays réside dans leur capacité à acquérir, ou au moins maintenir, des parts de marchés à l’étranger. Pour cela, les facteurs liés au prix, et donc principalement aux coûts de production, sont importants. Cependant des aspects qualitatifs entrent également en ligne de compte, tels que la qualité des produits, l’innovation, la force des marques, et les politiques commerciales menées par les gouvernements (accords bilatéraux, etc.). Tous ces facteurs liés à la capacité à exporter indépendamment du prix sont appelés communément compétitivité « hors-prix », par opposition à la compétitivité "prix" qui désigne la capacité à exporter à des prix inférieurs à ceux des concurrents.

L’objectif de cet article est d’identifier les parts respectives de ces deux facteurs de la compétitivité dans l’évolution des exportations d’un ensemble de pays. Pour ce faire, la méthodologie retenue ici consiste à identifier la compétitivité hors-prix à partir du facteur prix. L’originalité réside dans la méthode de calcul du facteur prix qui tient compte non seulement des secteurs exportateurs, mais aussi de l’ensemble des secteurs contribuant indirectement aux exportations, qu’ils soient résidents ou non.

Cette approche semble plus adaptée dans un contexte de fragmentation internationale croissante de la production au sein de chaînes de valeur mondiales (CVM). Il en résulte, depuis les années 1990, une augmentation de la part des biens et services intermédiaires (intrants) importés dans la production des exportations. L’Iphone, par exemple, est ainsi conçu en Californie, intègre divers composants produits mondialement, qui sont ensuite assemblés en Chine. Le coût de production final dépend par conséquent de l’évolution des coûts dans l’ensemble des pays ayant pris part à la chaîne de production et ne se limite donc pas à celui de l’industrie chinoise, qui exporte le produit fini.

Les évolutions survenues en France depuis les années 1990 illustrent bien ce phénomène : le contenu importé dans ses exportations est passé de 20 % à 30 % entre 1995 et 2011, tandis que la valeur ajoutée indirecte issue des secteurs de services résidents représente 54 % de la chaîne de valeur manufacturière du pays en 2011, contre 45 % en 1995 (Cezar et al., 2017).

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